Vitesse de la lumière
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Galilée, les collines et les lanternes
C’est Alhazen, un mathématicien perse du moyen-âge, qui a eu en premier l’intuition que la vitesse de la lumière était finie, même s’il n’a rien pu prouver. Au 17e siècle, Galilée a la même intuition, et il pense que si on ne peut pas s’en rendre compte à l’oeil nu, c’est parce que la lumière se propage très rapidement. Il va chercher à mesurer cette vitesse de propagation.
Son expérience est simple: deux observateurs se placent chacun au sommet d’une colline, les deux collines étant séparées d’environ 1800m. Ils ont chacun une lanterne, masquée au départ. Le premier observateur possède aussi une clepsydre, un instrument à eau qui fonctionne sur le même principe qu’un sablier et qui permet de mesurer le temps. Il va démasquer sa lanterne et déclencher la clepsydre au même moment. Le deuxième observateur va démasquer sa lanterne dès qu’il aperçoit la lumière de la première lanterne. Au moment où le premier observateur voit la lanterne de son compagnon, il arrête la clepsydre. Avant tout cela, les deux observateurs, proches l'un de l'autre, vont s'entrainer à démasquer leur lanterne le plus rapidement possible dès qu'ils voient la lueur de l'autre lanterne. Ainsi ils réduisent leur temps de réaction et peuvent le mesurer. Ils étalonnent en quelque sorte leurs mesures.
En théorie, cette expérience donne le temps que met la lumière pour parcourir environ 3600m. En pratique, la lumière semble instantanée. Ceci est dû au fait que la distance qui sépare les deux hommes est trop faible, la lumière met seulement quelques dizaines de millionièmes de secondes pour faire l’aller-retour entre les deux hommes.
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Observation des éclipses de Io
Toujours au 17e siècle, Jean-Dominique Cassini observe les éclipses de Io, un des satellites naturels de Jupiter. Il va utiliser les lois de Kepler, qui décrivent la mécanique céleste, pour effectuer des prévisions sur les horaires auxquels ces éclipses ont lieu. Mais il se rend compte que ses observations ne collent pas à ses prévisions: à certains moments de l'année, les éclipses ont du retard, à d'autres, elles ont de l'avance.
Ole Römer, un astronome danois qui travaille avec Cassini, explique ce phénomène par le fait que la distance entre la Terre et Jupiter n'est pas toujours la même. En effet, si on regarde l'image ci-contre, la Terre est plus éloignée de Jupiter lorsqu'elle se trouve au point F que lorsqu'elle se trouve au point G. Le point B représente Jupiter, les points C et D représentent les positions où Io disparait et apparait derrière Jupiter tandis que les points E, F, G, H, L et K représentent les différentes positions de la Terre autour du Soleil. Si la lumière a une vitesse finie, alors elle met plus de temps pour parcourir une distance plus grande, ce qui explique le retard des éclipses. Il va ainsi calculer que la lumière met 22 minutes pour parcourir une distance égale au diamètre de l'orbite de la Terre. Toutefois cette orbite n'est pas connue à cette époque. Römer à donc montré que la vitesse de la lumière était finie, mais cette idée ne sera pas totalement acceptée jusqu'à ce que James Bradley, un astronome anglais, prouve que la Terre tourne autour du Soleil une cinquantaine d'années plus tard en découvrant et comprenant le phénomène d'aberration de la lumière.
Roue dentée de Fizeau

Au milieu du 19e siècle, il est admis par la communauté scientifique que la lumière a une vitesse finie. En 1849, Hippolyte Fizeau s'inspire de Galilée et améliore son dispositif. Il effectue ses mesures entre son balcon, à Suresnes, et la butte Montmartre, à exactement 8633m de distance.
Une source de lumière est placée à Suresnes. Le rayon lumineux va passer à travers un miroir semi-réfléchissant, puis à travers une roue dentée. Il va ensuite continuer jusqu'à un miroir réfléchissent, à Montmartre, où il va être renvoyé vers Suresnes, en passant à nouveau par la roue dentée. Là, l'observateur va pouvoir l'observer.
Si la roue dentée est au repos, le rayon lumineux va passer à travers un creux entre de dents à l'aller, et par le même creux au retour. Mais dès qu'un moteur fait tourner la roue, le rayon passe à travers un creux à l'aller, mais se retrouve bloqué par une dent au retour. C'est seulement à partir d'une certaine vitesse de rotation de la roue que le rayon va pouvoir passer par le creux suivant au retour. En mesurant cette vitesse de rotation, on peut déterminer le temps qu'a mis le rayon lumineux pour effectuer l'aller-retour entre la roue et le miroir, et donc on peut calculer la vitesse de la lumière.

Explication plus détaillée:
On note:
- [math]\displaystyle{ d }[/math] la distance qui sépare la roue dentée du miroir réfléchissant,
- [math]\displaystyle{ t }[/math] le temps mis par la lumière pour parcourir deux fois la distance [math]\displaystyle{ d }[/math] (pour l'aller-retour),
- [math]\displaystyle{ \theta }[/math] l'angle représenté par une dent ou un creux, exprimé en degrés (voir dessin ci-contre),
- [math]\displaystyle{ \omega }[/math] la vitesse de rotation de la roue dentée, que l'on exprimera ici en degré par seconde.
On note [math]\displaystyle{ c }[/math] la vitesse de la lumière.
On sait que [math]\displaystyle{ c=\frac{2d}{t} }[/math]. On peut également dire que [math]\displaystyle{ t=\frac{\theta }{\omega } }[/math]: on a en effet degrés sur des degrés par seconde, ce qui nous donne bien des secondes.
On peut donc écrire: [math]\displaystyle{ c=\frac{2d\omega }{\theta } }[/math].
La roue dentée possède 720 dents et 720 creux de tailles égales. Une dent (ou un creux) couvre donc un angle de 0,25°. Fizeau a mesuré une vitesse de rotation d'environ 12,6 tours par seconde pour que la lumière passe à l'aller par un creux et au retour par le creux suivant, ce qui équivaut à environ 4536 degrés par seconde. La distance [math]\displaystyle{ d }[/math] vaut 8633m. Avec ces paramètres, on obtient une valeur de [math]\displaystyle{ c }[/math] autour de 313 000km/s. (incertitude?)
Peu après, Léon Foucault réalise une autre expérience, en laboratoire cette fois. Il fait parcourir une grande distance à la lumière en la faisant se réfléchir sur des miroirs. Il va également utiliser un miroir tournant.
Fréquence et longueur d'onde
A la fin du 19e siècle, il est admis que la lumière se comporte comme une onde. Or, une onde est définie par deux caractéristiques: sa longueur d'onde, et sa fréquence.
On peut maintenant écrire que la vitesse d'une onde, appelée célérité, est égale à sa fréquence multipliée par sa longueur d'onde. Soit: [math]\displaystyle{ c=\lambda\times f }[/math]. Mais comment mesure-t-on la fréquence et la longueur d'onde de la lumière? (Vous le saurez bientôt!)

On découvre également à cette époque que la lumière n'est qu'une infime partie du spectre électromagnétique. Il existe donc une multitude d'ondes électromagnétiques avec des longueurs d'ondes et des fréquences variées, mais qui se déplacent toutes à la vitesse de la lumière!
On pense également que les ondes électromagnétiques ont besoin d'un milieu pour se propager, comme les ondes mécaniques (par exemple, le son se propage dans l'air). On appelle ce milieu éther. De nombreux scientifiques vont chercher à observer et comprendre comment fonctionne ce milieu, sans grand succès.
En 1905, Einstein publie sa théorie de la relativité restreinte. Il annonce tout d'abord que l'éther n'existe pas. Les postulats de la relativité restreinte sont les suivants:
- les lois de la physique sont les mêmes dans tous les référentiels galiléens
- la vitesse de la lumière dans le vide est la même dans tous les référentiels galiléens, c'est-à-dire qu'elle ne dépend pas du mouvement de la source lumineuse ni de l'observateur.
A partir de ce moment, la vitesse de la lumière est définie comme constante.
Une constante universelle
Après la seconde guerre mondiale, les ondes électromagnétiques sont de plus en plus utilisées pour communiquer et sont donc de mieux en mieux comprises. Les mesures de la vitesse de la lumière sont alors de plus en plus précises. Mais l'étalon du mètre, en platine iridié, est imprécis face à ces mesures. Or, la vitesse s'exprime en mètres par seconde. Elle dépend donc de la définition du mètre. Il a alors été décidé, en 1983, de fixer la vitesse de la lumière comme constante et de faire dépendre la définition du mètre de cette constante. Ainsi, le mètre ne dépend plus que de la seconde.
Nous avons trois unités, qui sont liées entre elles: le mètre, la seconde et la vitesse de la lumière. Il suffit d'en fixer deux, pour connaitre la troisième. Il a été décidé de fixer la seconde et la vitesse de la lumière.
La vitesse de la lumière dans le vide est donc: [math]\displaystyle{ c }[/math]=299 792 458 m/s.
Pour en savoir plus
De nombreuses autres méthodes ont été utilisées au fil des siècles pour déterminer la vitesse de la lumière. Voici quelques vidéos à propos des méthodes dont nous avons déjà parlé, mais aussi à propos des autres méthodes:
- Les magiciens de la lumière: un docu-fiction produit par le Service de Création AudioVisuelle de la Faculté des Sciences d'Orsay (61min)
- Comment ont-ils su que la lumière avait une vitesse? Témoignage de Pierre Lauginie (7min)
- L'histoire des mesures de la vitesse de la lumière racontée par Jamy (54min)
Bibliographie/Webographie
BIPM: Résolution 2 de la 15e CGPM, 1975 [en ligne, consulté le 4 juillet 2016]. Disponible sur internet: <http://www.bipm.org/fr/CGPM/db/15/2/>
OBSPM: « c » à Paris, Vitesse de la lumière : histoires et expériences [en ligne] Exposition de l'Observatoire de Paris et de l'Université Paris VI - Pierre et Marie Curie réalisée en 2005. [consulté le 4 juillet 2016]. Disponible sur internet: <http://expositions.obspm.fr/lumiere2005/exp_foucault.html>
Visite du Musée des Arts et Métiers par des élèves de Terminale S
Journal des Savants du lundi 7 décembre 1676.: Démonstration touchant le mouvement de la lumière. [en ligne, consulté le 4 juillet 2016]. Disponible sur internet: <https://cral.univ-lyon1.fr/labo/fc/ama09/pages_jdsc/pages/jdsc_1676_lumiere.pdf>
DELAMBRE, Jean-Baptiste. Histoire de l'astronomie au dix-huitième siècle. 1827 [en ligne]. p. 413-429. Gallica, bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France. [consulté le 4 juillet 2016]. Disponible sur internet: <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61990q/f471.item.r=delambre>
FOUCAULT, Léon. Thèse de physique sur les vitesses relatives de la lumière dans l'air et dans l'eau. [en ligne]. Faculté des Sciences de Paris, 1853, 36 p. [consulté le 4 juillet 2016]. Disponible sur internet: <https://www.bibnum.education.fr/sites/default/files/foucault-texte.pdf>