Analyse dimensionnelle

De Comment mesure-t-on ?
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En bref: L'analyse dimensionnelle est une méthode très utile aux scientifiques.
Il s'agit d'associer à chaque grandeur une dimension liée aux sept unités de base du Système international. Chaque grandeur a donc une dimension unique qui peut s'exprimer en fonction de ces dimensions de base et qui représente la nature physique de cette grandeur..
On peut ensuite se servir de l'analyse dimensionnelle pour obtenir des informations utiles. Pour cela on se base sur un principe fondamental : Une équation est homogène lorsque ses deux membres ont la même dimension. Une expression non homogène est nécessairement fausse. Autrement dit, si on écrit [math]\displaystyle{ A = B }[/math] alors [math]\displaystyle{ A }[/math] et [math]\displaystyle{ B }[/math] ont forcément la même dimension (on dit qu'ils sont homogènes). De plus on ne peut additionner que des grandeurs de même dimension. Grâce à ce principe, on peut :

  • Déterminer la dimension d'une grandeur jusqu'alors inconnue à partir d'une expression de celle-ci.

  • Vérifier la validité d'une équation si l'on connais la dimension de tout ses membres.

  • Prévoir la forme théorique d'une équation.

Notations

Commençons par introduire quelques notations utiles. Tout d'abord pour désigner la dimension d'une grandeur, on note cette grandeur entre crochets. Ainsi, si [math]\displaystyle{ F }[/math] est une force, la dimension d'une force est notée [math]\displaystyle{ [F] }[/math]. Pour les sept grandeurs de base on les associe chacune à une lettre que l'on note sans crochet afin de faire la distinction. Ainsi la dimension d'une masse est notée [math]\displaystyle{ M }[/math]. Il faut faire très attention à bien distinguer la dimension d'une grandeur de l'unité utilisée pour exprimer cette grandeurs. Pour chaque grandeur la dimension est unique tandis qu'il existe bien souvent une multitude d'unités différentes.

on peut résumer les dimensions des sept grandeurs de base par le tableau :

Grandeur physique Symbole de la dimension Nom
de
l'unité
Symbole
de
l'unité
Longueur [math]\displaystyle{ L }[/math] Mètre m
Masse [math]\displaystyle{ M }[/math] Kilogramme kg
Temps [math]\displaystyle{ T }[/math] Seconde s
Courant électrique [math]\displaystyle{ I }[/math] Ampère A
Température thermodynamique [math]\displaystyle{ thêta }[/math] (thêta) Kelvin K
Quantité de matière [math]\displaystyle{ N }[/math] Mole mol
Intensité lumineuse [math]\displaystyle{ J }[/math] Candela cd

Équation aux dimensions

Lorsque l'on fait de l'analyse dimensionnelle, on écrit ce que l'on appelle des équations aux dimensions. Il s'agit de transcrire une équation en ne gardant que les termes pertinents (c'est à dire les termes ayant une dimension) pour étudier les dimensions en présence. Autrement dit, on enlève tout :

  • Pré-facteur numérique, c'est à dire tout nombre présent dans une expression littérale (Par exemple, dans l'expression de l'énergie cinétique [math]\displaystyle{ E_c = \frac{1}{2} \times m \times v^{2} }[/math], le terme [math]\displaystyle{ \frac{1}{2} }[/math] est un pré-facteur numérique)

  • Grandeur adimensionnée, c'est à dire terme littéral sans dimension (par exemple un angle est une grandeur adimensionné).

  • Facteur de proportionnalité, c'est à dire tout facteur de conversion entre unités. Dans les faits, il se présente, en générale, sous la forme d'un préfacteur numérique. (par exemple, si on prend l'équation : [math]\displaystyle{ \rho = 1 000 \times \frac{m}{V} }[/math] ou [math]\displaystyle{ \rho }[/math] est la masse volumique exprimée en kilogrammes par mètre cube, [math]\displaystyle{ m }[/math] la masse en tonnes et [math]\displaystyle{ V }[/math] le volume en mètres cube, le facteur [math]\displaystyle{ 1 000 }[/math] est un facteur de conversion entre les tonnes et les kilogrammes).

Il y a ensuite deux possibilités :

  • On cherche à déterminer la dimension d'une grandeur présente dans l'équation. On remplace alors toutes les autres grandeurs par leur dimension. Quelques manipulation du calcul plus tard, nous avons notre résultat. Exemple :
    Prenons la loi universelle de la gravitation [math]\displaystyle{ {F}_{A/B}= {F}_{B/A} = G\frac{M_A M_B}{d^2} }[/math] et supposons la dimension de G inconnue. Il faut alors étudier les dimensions des autres grandeurs en présence. [math]\displaystyle{ M_A }[/math] et [math]\displaystyle{ M_B }[/math] sont des masses. On a donc [math]\displaystyle{ [M_A] = [M_B] = M }[/math]. De plus [math]\displaystyle{ d }[/math] est une distance. Donc [math]\displaystyle{ [d^2] = L^2 }[/math]. La dimension d'une force est plus complexe puisque ce n'est pas l'une des grandeurs de base du SI. Soit on la connais par cœur : [math]\displaystyle{ [{F}_{A/B}]=MLT^{-2} }[/math]. Sinon, il faut la retrouver, toujours par la même méthode. Pour cela, on peut utiliser la formule : [math]\displaystyle{ F=ma }[/math] ou [math]\displaystyle{ F }[/math] désigne la force, [math]\displaystyle{ m }[/math] désigne une masse et [math]\displaystyle{ a }[/math] un accélération. On a donc [math]\displaystyle{ [F]=[m] \times [a] }[/math] soit [math]\displaystyle{ [F]=MLT^{-2} }[/math]. Finalement, on obtient : [math]\displaystyle{ [G]=[F]\frac{L^2}{M^2} }[/math] soit [math]\displaystyle{ [G]=M^{-1}L^{3}T^{-2} }[/math].

  • On cherche à vérifier l'homogénéité d'une équation. On détermine alors la dimension de chaque membre de l'équation et on compare les résultats. Exemple :
    On veut déterminer si l'équation : [math]\displaystyle{ E = \frac{1}{2}mv^{2} + mgz }[/math] est homogène. Il faut vérifier alors que : [math]\displaystyle{ [E] = [mv^{2}] = [mgz] }[/math]. On a : [math]\displaystyle{ [E] = ML^{2}T^{-2} }[/math]. De plus [math]\displaystyle{ [m]=M }[/math], [math]\displaystyle{ [v^{2}]=L^{2}T^{-2} }[/math], [math]\displaystyle{ [g]=LT^{-2} }[/math] et enfin [math]\displaystyle{ [z]=L }[/math]. On constate donc que l'on a bien [math]\displaystyle{ [E] = [mv^{2}] = [mgz] = ML^{2}T^{-2} }[/math], l'équation est donc bien homogène.

Étude préalable d'une équation

Il s'agit d'une utilisation de l'analyse dimensionnelle assez différentes des précédentes. Si l'on connais les variables pouvant intervenir dans un phénomène physique, ainsi que la dimension de la variable que l'on souhaite étudier, on peut supposer la forme d'une équation avant d'avoir eut à commencer les calculs à proprement parler, ce qui peut faciliter par la suite la recherche exacte du résultat.
Sur ce sujet on raconte souvent l'histoire de George Ingram Taylor qui aurait, vers 1950, utilisé l'analyse dimensionnelle pour déterminer l'énergie des bombes nucléaires américaine uniquement à l'aide de photos des explosions (L'énergie de ces bombes était classifiée). l'histoire est la suivante :

En 1949 les photos d'une explosion nucléaire au Nouveau Mexique sont déclassifiées par le gouvernement américain. Le physicien Taylor décide d'analyser ces photos. Il suppose d'abord que le processus d'expansion de la boule de gaz (décrit par le rayon [math]\displaystyle{ r }[/math] de dimension [math]\displaystyle{ L }[/math]) dépend au minimum de :

  • Le temps [math]\displaystyle{ t }[/math] de dimension [math]\displaystyle{ T }[/math].

  • L'énergie [math]\displaystyle{ E }[/math] libérée par la bombe de dimension [math]\displaystyle{ ML^2T^{-2} }[/math].

  • La masse volumique de l'air [math]\displaystyle{ \rho }[/math] de dimension [math]\displaystyle{ ML^{-3} }[/math].

Il faut alors trouver une façon de combiner ces paramètres afin d'obtenir une équation homogène. On peut écrire ça sous la forme : [math]\displaystyle{ [r] = [E]^{a}[\rho]^{b}[t]^{c} }[/math] ou encore : [math]\displaystyle{ L = M^{a+b}L^{2a-3b}T^{-2a+c} }[/math]. Il s'agit alors de trouver [math]\displaystyle{ a }[/math], [math]\displaystyle{ b }[/math] et [math]\displaystyle{ c }[/math] tels que l'on ait simultanément : [math]\displaystyle{ a + b = 0 }[/math], [math]\displaystyle{ 2a - 3b = 1 }[/math] et [math]\displaystyle{ -2a + c = 0 }[/math]. La première équation nous donne immédiatement que [math]\displaystyle{ a = - b }[/math] en remplaçant dans la deuxième équation, on trouve alors : [math]\displaystyle{ a = -b = \frac{1}{5} }[/math]. Enfin la troisième équation nous permet de déterminer : [math]\displaystyle{ c = \frac{2}{5} }[/math].

On arrive alors à l'équation : [math]\displaystyle{ r = k \times E^{\frac{1}{5}} \times \rho^{\frac{-1}{5}} \times t^{\frac{2}{5}} }[/math]. Le paramètre k désigne une constante adimensionnée. En effet, cette méthode ne permet pas de déterminer l'équation exacte mais seulement la forme de celle-ci.

De tout cela on obtient :[math]\displaystyle{ E \sim \frac{\rho \; r^5}{t^2} }[/math]

Cette histoire n'est pas tout à fait exacte : en effet Taylor ne s'est pas contenté de ce calcul somme toute assez simpliste. En réalité il est partit des équations de l'écoulement et après quinze pages de simplification grâce à l'analyse dimensionnelle, il parvient au résultat suivant : [math]\displaystyle{ r = k(\gamma) \; E^{1/5} \; \rho^{-1/5} \; t^{2/5} }[/math] (ou [math]\displaystyle{ k(\gamma) }[/math] désigne une constante adimensionnée qui dépend du paramètre [math]\displaystyle{ \gamma }[/math] qui vaut 1.4 à température ambiante mais change à haute température.