« Force d'un piment » : différence entre les versions

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== Bibliographie/Webographie ==
== Bibliographie/Webographie ==
PALLOIX Alain, DAUBEZE Anne-Marie, POCHARD Edmond : Le piment. Dans Histoires de légumes, C. Foury et M. Pitrat, édition INRA (sous presse)
POCHARD Edmond, Histoire du piment et recherche, INRA-Mensuel n°29, mars 1987


K.V.PETER : Handbook of Herbs and Spices. Disponible sur internet : <https://books.google.fr/books?id=P4FwAgAAQBAJ&pg=PA127&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false>
K.V.PETER : Handbook of Herbs and Spices. Disponible sur internet : <https://books.google.fr/books?id=P4FwAgAAQBAJ&pg=PA127&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false>

Version du 11 juillet 2019 à 13:44


En bref: Il existe des milliers de variétés de piment qui ont été sélectionnées par l’Homme notamment pour leur saveur. Certains piments sont très doux, comme les poivrons, tandis que d’autres provoquent de fortes sensations de brûlure. Les molécules responsables de cette sensation sont les capsaïcinoïdes. La force des piments était historiquement mesurée par un test gustatif, mais des méthodes plus précises ont été développées par les chimistes depuis.

Représentations de la molécule de capsaïcine

Le piment est un fruit appartenant à la famille des solanacées, comme la tomate ou l’aubergine, et plus particulièrement au genre Capsicum. Il a été domestiqué il y a plus de 9500 ans en Amérique du Sud et Centrale, et a été importé en Europe au 15ème siècle. Il s’est alors répandu par le biais du commerce sur toute la planète, en Asie et en Afrique. Il s’est très bien acclimaté dans de nombreux pays, et de nombreux peuples se sont appropriés ce fruit et sa saveur. Ils ont sélectionné des espèces pour satisfaire leurs goûts, créant une multitude de variétés de piment. Ainsi, si son goût est souvent associé à la sensation de brûlure et de piquant, certaines variétés de piment, comme le poivron, ont une saveur douce. Des méthodes existent pour classifier les piments selon leur force.

Les molécules responsables de la sensation de brûlure quand on mange un piment sont les capsaïcinoïdes. Elles ont été développées au cours de l’évolution des piments pour en éloigner les prédateurs (insectes, champignons). Ce sont des molécules qui ont la particularité d’activer des récepteurs de chaleur de la peau et des muqueuses, ce qui donne l’impression de brûlure. Ce n’est qu’une impression qui ne laisse pas de réelle blessure car il n’y a pas d’augmentation de température. En particulier, le capsaïcinoïde le plus présent dans la majorité des piments est la capsaïcine. Elle est insoluble dans l’eau mais soluble dans le gras: pour se débarasser de la sensation de brûlure, boire de l’eau n’est donc pas efficace. La capsaïcine a été découverte en 1816 par Bucholz, et en 1878 le médecin Hogyes découvre qu’elle est à l’origine de la sensation de brûlure. La force des piments se mesure en Scoville Heat Units (SHU), ou unités Scoville. Ce nom provient du nom du chimiste Wilbur Scoville, qui a mis en place en 1912 la première méthode de mesure de la force des piments.

L'expérience historique de Scoville

Solutions préparées selon le protocole de Scoville à partir de piments Caspicum Anuum vert et rouge, en vue d’un test organoleptique. Les solutions sont de plus en plus diluées de la droite vers la gauche.

Pour mesurer la force d’un piment, Scoville a eu l’idée d’un test organoleptique (gustatif et olfactif). Après avoir pesé précisément une quantité de piment séché, il le dissolvait dans de l’alcool pour en extraire les composants puisque les capsaïcinoïdes sont solubles dans l’alcool. La préparation était ensuite mélangée à de l’eau sucrée. Elle était alors diluée plusieurs fois, et ces nouvelles préparations avec des concentrations de plus en plus petites étaient soumises à cinq goûteurs. Ainsi, ils commençaient par goûter la préparation la plus forte, puis des préparations de plus en plus douces. Lorsqu’au moins trois des cinq goûteurs ne pouvaient plus déceler la sensation de brûlure en buvant la préparation, le taux de dilution de la préparation était noté et un multiple de 100 SHU était associé à celui-ci. Cette méthode est très critiquée sur sa subjectivité. En effet, elle est entièrement basée sur la perception humaine. Cela pose problème car chaque individu ne ressent pas les goûts, et donc la force du piment, de la même manière. Cela dépend du nombre de récepteurs de chaleur, de l’habitude de consommer des piments, et d’autres facteurs (comme par exemple le fait d’être fumeur, ce qui peut altérer la perception du piment) propres à chacun. En outre, le problème de l’adaptation sensorielle se pose. Quand nos récepteurs sont stimulés à de nombreuses reprises, ils s’adaptent et avec le temps nos sensations diminuent. C’est ce qu’il se passe quand un fumeur ne remarque plus l’odeur du tabac alors qu’elle est dérangeante pour un non-fumeur par exemple. Pour le test de Scoville, les récepteurs de chaleur de la bouche des goûteurs s’adaptent à la force du piment au fur et à mesure de l’expérience, en particulier parce qu’ils testent les préparations de la plus forte à la moins forte. Ils ne ressentent pas la force des dernières préparations comme ils ressentaient celle des premières. Différents laboratoires ont mené des expériences comme celle de Scoville, et leurs résultats varient jusqu'à 50% à cause de ces problèmes.


Des mesures plus fiables aujourd'hui

Séparation des composés d’un échantillon par chromatographie en phase liquide. Les composés sortent de la colonne à différents temps de rétention.

Les scientifiques ont donc cherché des méthodes plus fiables, ne dépendant pas de la perception humaine, pour estimer la force d’un piment. Aujourd’hui, la force des piments est mesurée grâce à la chromatographie en phase liquide à haute performance, ou CLHP. C’est une technique très utilisée en biochimie pour séparer les molécules dans un mélange. Dans un tube en verre appelé colonne, on place l’échantillon dont on veut connaître la composition. Cet échantillon est préparé à partir d’une masse connue de piment séché, que l’on dilue la plupart du temps dans de l’éthanol (un alcool). Cette préparation est appelée « solution », c’est ce que l’on injecte au début de l’expérience dans la colonne. Les composés que l’on veut analyser sont appelés « solutés ». Dans la mesure de la force d’un piment, les solutés intéressants sont les capsaïcinoïdes. La solution est entraînée grâce à un liquide (appelé phase mobile) au travers d’un solide (appelé phase stationnaire). Ce solide est composé de grains de très petite taille. Chaque soluté de l’échantillon à analyser interagit différemment avec les phases mobile et stationnaire. En particulier, les solutés sont retenus inégalement par la phase stationnaire, selon leurs propriétés physiques et chimiques. Tous les solutés sont donc retenus durant des temps différents. Chaque soluté sort de la colonne après un temps qui lui est propre, appelé temps de rétention. Il passe alors dans un détecteur, dont le signal est enregistré et tracé en fonction du temps. La courbe obtenue s’appelle un chromatogramme. Le passage d’un soluté se lit sous la forme d’un pic sur le chromatogramme, et l’aire sous les pics permet de retrouver la concentration du soluté dans la solution de départ. A partir de cette concentration, on peut exprimer la proportion du soluté dans la solution. On l’exprime en partie par million (ppm).

Une échelle de Scoville simplifiée et illustrée.


On connaît la masse de piment au départ [math]\displaystyle{ m_{totale} }[/math], et le volume de la solution [math]\displaystyle{ V }[/math]. Grâce au détecteur, on connaît la concentration d’un soluté [math]\displaystyle{ C }[/math]. Cette concentration est reliée à la masse du soluté [math]\displaystyle{ m_{soluté} }[/math] par la formule [math]\displaystyle{ C = \frac{m_{soluté}}{V} }[/math]. Il suffit donc de multiplier la concentration du soluté par le volume pour obtenir la masse du soluté. Enfin, on trouve la proportion du soluté dans la solution en ppm par la formule : [math]\displaystyle{ Proportion \ en \ ppm= \frac{m_{soluté}}{m_{totale}} \times 10000000 }[/math].

Il existe plusieurs capsaïcinoïdes, il faut donc prendre en compte tous leurs pics sur le chromatogramme et calculer toutes leurs proportions. Dans le protocole chimique le plus répandu pour mesurer la force d’un piment, les phases mobile et stationnaire utilisées permettent d’obtenir trois pics sur le chromatogramme. Un pic correspond aux pigments (les molécules qui donnent la couleur) du piment, un pic correspond à la capsaïcine et un autre pic correspond à la dihydrocapsaïcine qui est un autre type de capsaïcinoïde. La force du piment est alors calculée de la sorte :

[math]\displaystyle{ Force \ du \ piment \ (en \ ppm) = Proportion \ de \ capsaïcine + 0,82 * Proportion \ de \ dihydrocapsaïcine }[/math]. On peut convertir cette proportion en SHU en la multipliant par 16.






Chromatogramme obtenu par CLHP d’un piment « Punjab ». Le pic (a) correspond aux pigments, le pic (b) à la capsaïcine et le pic (c) à la dihydrocapsaïcine.
On peut associer un soluté à un pic de deux manières. La plus simple est de comparer le temps de rétention du soluté avec les temps de rétention connus. Des mesures ont été effectuées avec les mêmes phases stationnaire et mobile, en partant de composés purs. On obtient donc leur pic caractéristique, à un certain temps de rétention. On peut alors se référer à ces valeurs pour identifier les pics du chromatogramme. La deuxième manière d’identifier les pics est de déterminer de quelle molécule il s’agit grâce à un spectromètre. Il s’agit de faire passer de la lumière à travers le composé à identifier, pour mesurer comment il absorbe la lumière. Chaque composé absorbe des rayonnements différents, ce qui permet de l’identifier.

Cette méthode est beaucoup plus fiable que le test organoléptique, et elle permet en plus de tester la force de substances trop fortes pour être goûtées par l’Homme, comme des capsaïcinoïdes purs. Par exemple, au sommet de l’échelle de Scoville on trouve aujourd’hui une molécule qui se situe à plus de 15 milliards SHU, la résinifératoxine. Elle provient de la résine d’une plante marocaine, et peut provoquer de graves brûlures chimiques. Loin derrière, le piment le plus fort au monde est depuis 2017 le Pepper X, classé à 3 180 000 SHU.

Bibliographie/Webographie

PALLOIX Alain, DAUBEZE Anne-Marie, POCHARD Edmond : Le piment. Dans Histoires de légumes, C. Foury et M. Pitrat, édition INRA (sous presse)

POCHARD Edmond, Histoire du piment et recherche, INRA-Mensuel n°29, mars 1987

K.V.PETER : Handbook of Herbs and Spices. Disponible sur internet : <https://books.google.fr/books?id=P4FwAgAAQBAJ&pg=PA127&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false>

BARRY-JESTER, Anna Maria : Rating Chili Peppers On A Scale Of 1 To Oh Dear God I’m On Fire.Disponible sur internet : <https://fivethirtyeight.com/features/rating-chili-peppers-on-a-scale-of-1-to-oh-dear-god-im-on-fire/>

HENRICHON, Susan J. : Examples of Sensory Adaptation. Disponible sur internet : <https://sciencing.com/examples-sensory-adaptation-14224.html>

Académie de Nancy-Metz : CHROMATOGRAPHIE LIQUIDE HAUTE PERFORMANCE (HPLC). Disponible sur internet : <http://www4.ac-nancy-metz.fr/physique/liens/Jumber/pdf_chimie/HPLC.pdf>

COLLINS Margaret D., MAYER WASMUND Loide, BOSLAND Paul W.. Department of Agronomy and Horticulture, New Mexico State University, Las Cruces, 1995: Improved Method for Quantifying Capsaicinoids in Capsicum Using Highperformance Liquid Chromatography. Disponible sur internet : <https://journals.ashs.org/hortsci/view/journals/hortsci/30/1/article-p137.pdf>