Mètre

De Comment mesure-t-on ?
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Prenez 16 hommes, des petits et des grands, au moment où ils sortent de l'église, et demandez-leur de poser un pied après l'autre ; et la longueur ainsi obtenue fournira une règle juste et commune pour mesurer les champs. (Köbel, J., Geometrei, 1536)


En bref: Le mètre a été défini à la révolution française afin d'unifier les mesures qui étaient différentes selon les métiers ou les régions. En effet, pas facile de s'y retrouver lorsque l'on mesure en pieds, le voisin en toises, et l'autre voisin en pouces!

Le mètre a tout d'abord été défini comme la dix-millionième partie du quart du méridien terrestre, c'est à dire une partie du cercle qui fait le tour de la Terre en passant par ses pôles. Il a alors fallu mesurer cette partie de méridien. Deux astronomes français, Méchain et Delambre, effectueront cette mesure en pleine période révolutionnaire.

Mais cette mesure du mètre n'est pas assez précise pour les travaux de spectroscopie et d'interférométrie au 20e siècle. Le mètre a donc été défini à partir de la longueur d'onde du krypton, un gaz noble.
Lorsque la vitesse de la lumière a été fixée comme constante universelle en 1983, le mètre a été défini à partir de cette constante et de la mesure de la seconde. Le mètre est donc aujourd'hui la longueur parcourue dans le vide par la lumière pendant 1/299 792 458 seconde.

Origine du mètre

Avant le 18e siècle, pour mesurer les longueurs, différentes unités sont utilisées, qui peuvent varier selon les régions ou la taille de l'objet mesuré: le pied, par exemple, le pouce, ou encore la lieue, qui est à l'origine la distance que peut parcourir un homme en une heure. Ces grandeurs varient selon les personnes et ne sont donc pas universelles.

En 1790, aux Etats-Unis, le président Thomas Jefferson propose un système décimal d'unités pour simplifier les transactions et limiter les fraudes, mais le Congrès américain oublie vite l'idée. C'est en France, dans le climat propice aux innovations qu'est la révolution française, que l'uniformisation des unités a été décidée.

En 1791, une commission chargée de fixer la base de l'unité des mesures "à tous les temps, à tous les peuples" est créée. Cette commission cherche alors à rapporter ces unités à un étalon universel qui servirait de référence et serait basé sur un phénomène naturel, et non pas sur la longueur du pouce du roi. Plusieurs propositions sont alors faites: la longueur du pendule battant la seconde, ou la dix millionième partie du quart du méridien terrestre.

Le pendule battant la seconde

Schéma d'un pendule simple

Un pendule simple est une masse ponctuelle, c'est à dire, en pratique, de faible dimension (en théorie, elle est concentrée en un seul point), accrochée à un fil de masse négligeable. Sa position d'équilibre est la position verticale. Si on écarte le pendule de cette position d'équilibre, il va osciller périodiquement en décrivant un arc de cercle sous l'effet de la pesanteur. On peut montrer que la période des oscillations s'exprime par la relation: [math]\displaystyle{ T=2\pi \sqrt{\frac{l}{g}} }[/math] avec [math]\displaystyle{ T }[/math] la période du pendule, [math]\displaystyle{ g }[/math] l'accélération de la pesanteur et[math]\displaystyle{ l }[/math] la longueur du fil.

La période d'un pendule est le temps que met la masse pour effectuer un aller-retour en partant d'une position donnée.

Jean Picard, un astronome français du 17e siècle, propose de prendre comme étalon universel la longueur d'un pendule simple qui bat la seconde. Il entend par là un pendule dont la demi-période vaut une seconde. Si on exprime [math]\displaystyle{ l }[/math] en fonction de [math]\displaystyle{ T }[/math], on a: [math]\displaystyle{ l=(\frac{T}{2\pi })^{2}\times g }[/math]. Donc si on prend la demi-période égale à une seconde, on a [math]\displaystyle{ T=2 }[/math] et l'équation devient: [math]\displaystyle{ l=\frac{g}{\pi ^{2}} }[/math]

La période du pendule, et donc la longueur du fil pour une période fixée, dépend de [math]\displaystyle{ g }[/math], l'accélération de la pesanteur. Or, cette accélération n'est pas constante sur Terre: elle dépend de plusieurs paramètres, dont la latitude et l'altitude. L'étalon n'est donc pas universel, il dépend de l'endroit où l'on se trouve. C'est principalement pour cette raison que le quart de méridien a été choisi comme référence à la place du pendule.

Le méridien de Méchain et Delambre

  • 1971: La Terre est choisie comme référence de base pour la définition du mètre. Le quart de méridien terrestre, du pôle à l'équateur, est choisi comme unité de longueur. Un mètre représente alors la dix millionième partie de ce quart de méridien. Il faut alors mesurer un arc de ce quart de méridien pour connaitre sa longueur.

A cette époque, on appelle méridien terrestre un cercle complet autour de la Terre passant par ses deux pôles.

Les astronomes Pierre Méchain et Jean-Baptiste Delambre sont alors chargés de mesurer la distance entre Dunkerque et Barcelone.
Pierre Méchain (Stoyan R. et al. Atlas of the Messier Objects: Highlights of the Deep Sky. — Cambridge: Cambridge University Press, 2008. — P. 23.)
Jean-Baptiste Delambre (Henri Coroênne — Bibliothèque de l’Observatoire de Paris)
Méchain part de Barcelone tandis que Delambre part de Dunkerque, les deux astronomes doivent se retrouver à Rodez. Ils vont utiliser la méthode de triangulation.



Méridienne de Paris (D'après travaux de J. Cassini - BnF, Gallica)
Cercle répétiteur de Borda (François Arago - Extrait de "Astronomie populaire" Tome 3 de François ARAGO sur Wikisource)
Cette méthode avait déjà été utilisée par Cassini au début du 18e siècle pour déterminer la longueur de la méridienne de Paris (aussi appelée méridienne de France). Il s'agit du méridien passant par l'Observatoire de Paris. Toutefois les mesures effectuées par Méchain et Delambre sont beaucoup plus précises grâce au perfectionnement du cercle répétiteur, mis au point par Borda et amélioré par Lenoir. Cet instrument permet de mesurer les angles avec une grande précision en répétant les mesures de nombreuses fois.


Le contexte historique et politique de l'époque va fortement ralentir les mesures. Le périple, qui devait durer un an, en durera 7. Delambre souhaite effectuer ses mesures depuis les stations utilisées par Cassini. Mais la plupart on été détruites, ou nécessitent d'importants travaux de rénovation. De plus, sa progression est ralentie car le peuple est majoritairement anti-royaliste, et son laissez-passer est signé directement par Louis XVI. La prison le guette. Il réussit tout de même à terminer les mesures de quatorze stations en 8 mois. Il est alors à Paris et obtient un nouveau passeport, cette fois-ci non signé par le roi, qui a été guillotiné le 21 janvier 1793.

  • Mars 1793: La France déclare la guerre à l'Angleterre et à l'Espagne. Méchain termine toutefois ses mesures juste avant la déclaration de guerre, mais il est contraint de résider à Barcelone. Il se rend alors chez un ami, où il est victime d'un grave accident qui le plonge dans le coma. Il en sort une semaine plus tard, avec les côtes et l'épaule droite cassées.
  • 1er août 1793: A Paris, un mètre provisoire est défini. Seize mètres étalons sont disposés à Paris, dans les lieux les plus fréquentés. Aujourd'hui il en reste deux: un au 36 rue de Vaugirard, et un autre au 13 de la place Vendôme.
    Mètre étalon, au 36 rue de Vaugirard (LPLT/Wikimedia commons)
  • Décembre 1793: Delambre est destitué de la Commission des poids et mesures pour avoir soutenu Lavoisier, considéré comme traitre de la nation. La France est alors en pleine période de Terreur. Les opérations de mesures de la Méridienne sont interrompues pendant dix-sept mois. Méchain se réfugie en Italie pendant un an.
  • 1795: Une loi institue le système métrique décimal: Art. 2: Il n'y aura qu'un seul étalon des poids et mesures pour toute la France ; ce sera une règle de platine sur laquelle sera tracé le mètre, qui a été adopté pour l'unité fondamentale de tout le système des mesures. Les mesures seront marquées du poinçon de la République. Une Agence temporaire des poids et mesures est créée pour remplacer l'ancienne Commission. Delambre et Méchain sont appelés à reprendre leurs mesures. Méchain s'occupe alors de relier les triangles de la frontière entre la France et l'Espagne, la guerre étant finie. Cela lui prend trois mois, malgré des conditions météorologiques et géographiques difficiles.
  • 1796: L'Agence temporaire est remplacée par le Bureau des poids et mesures.
  • 1798: Delambre et Méchain ont fini tous les triangles, et se retrouvent à Carcassonne après plus de six ans de séparation. Il se rendent ensemble à Paris à la fin du mois de novembre, où le mètre "vrai et définitif" est défini. Il s'avère alors qu'il est plus court que le mètre temporaire, mais la différence est négligeable pour les usages courants. Les mètres provisoires déjà diffusés vont être conservés et vont devenir définitifs. Aujourd'hui, il s'avère que le mètre temporaire est plus proche du mètre actuel que le mètre "vrai"!
  • 1840: Le système métrique est décrété en France. Il est peu à peu adopté par les autres pays. Un mètre étalon en platine iridié est conservé au pavillon de Breteuil, ainsi qu’un kilogramme étalon, lui aussi en platine iridié.
Pavillon de Breuteuil, où sont conservés le mètre et le kilogramme étalon en platine iridié (NIST)

Le mètre optique

Longueur d'onde du krypton 86

Au début du 20e siècle, les techniques de spectroscopie et d’interférométrie font leur apparition.

Spectre du krypton
La spectroscopie est l'étude de la décomposition de la lumière, par un prisme par exemple. On observe des raies spectrales, qui ont des longueurs d'ondes bien définies propres à chaque atome.

Le mètre actuel n’est alors pas assez précis, il faut définir un nouveau mètre: le mètre optique. Le mètre est alors défini comme 1 650 763,73 longueurs d’onde dans le vide de la radiation orangée du krypton 89.


La lumière se comporte comme une onde, c'est-à-dire une perturbation qui se propage dans un milieu. Un bon moyen de se représenter une onde est d'imaginer une vague. La longueur d'onde est alors la distance qui sépare deux crêtes de la vague. La lumière se propage de la même manière que cette vague et possède une longueur d'onde.

Il s’agit bien d’un étalon naturel, reproductible et invariant. Sa précision est 50 fois supérieure à celle du mètre précédent. Mais la lumière émise par le krypton 86 est incohérente, ce qui rend cet étalon difficile à utiliser.

On peut observer des interférences en jetant deux cailloux dans une mare au même moment.
Des ondes sont dites incohérentes si elles ne produisent pas d'interférences lorsqu'on les combine. Il y a interférence si les ondes interagissent l'une avec l'autre. C'est ce phénomène d'interférence qui est à l'origine des irisations que l'on peut observer sur les bulles de savon.
Phénomène d'irisation sur une bulle de savon

Vitesse de la lumière

En 1975, la vitesse de la lumière c est fixée comme constante universelle, et n’a donc plus d’incertitude. Le 20 octobre 1983, il est décidé que le mètre n’est plus une unité fondamentale mais une unité dérivée de la seconde et de la vitesse de la lumière. Il est alors défini comme la longueur parcourue dans le vide par la lumière pendant 1/299 792 458 seconde. Ce nouvel étalon est 30 fois plus précis que le précédent, car dans sa définition seule la seconde possède une incertitude.

Bibliographie/Webographie

GUEDJ, Denis. Le mètre du monde. Paris : Éd. du Seuil, 2000. 396 p. ISBN 978-2-7578-2490-0

PERDIJON, Jean. La mesure: Histoire, science et philosophie. Paris: Junod, 2004. 132p. ISBN 2-10-007253-6

La métrologie française: Histoire de la mesure. [en ligne, consulté le 4 juillet 2016]. Disponible sur internet: <http://www.metrologie-francaise.fr/fr/histoire/histoire-mesure.asp>

FEVRIER, Denis: Histoire du mètre. [en ligne, consulté le 4 juillet 2016]. Disponible sur internet: <http://www.entreprises.gouv.fr/metrologie/histoire-metre>