Comptage des manifestants
Comptage Mécanique
Méthodes "Classiques"
Lors de petites manifestation, il est possible de poster des compteurs, avec papier et crayon, qui note à chaque fois que des personnes passe. Ce système est très vite limité dès lors que le nombre de manifestants augmente. Utilisé par tous, certains journalistes peuvent se mettre au niveau des gares, là où même les retardataires se rendent.
Une méthode très utilisée est d’estimer le nombre en faisant longueur fois largeur du cortège dans une rue à densité homogène, et de multiplier par cette densité. Cette méthode est évidemment très incertaine car la densité n’est pas forcément homogène.
Compteur mécanique

Cette méthode consiste la plupart du temps à se positionner à un endroit en hauteur où la foule est assez homogène et « alignée » (une rue notamment) et d’appuyer sur un compteur à chaque ligne qui passe. On a donc sur un cadran le nombre de lignes, et en ayant compté au préalable le nombre de personnes par ligne (souvent en moyenne mais le choix de l’endroit permet normalement peu d’écarts), le nombre de manifestants. Ce système est très utilisé par le ministère de l’intérieur, et des corrections sont ajoutées, normalement pour augmenter le nombre. Les syndicats utilisent également parfois ce système.
Logistique
Plutôt utilisé par les syndicats, ces derniers peuvent estimer le nombre de présents grâce aux bus nécessaires mis à disposition pour transporter les manifestants. Un moyen efficace est de se réunir après la marche dans un lieu avec un certain nombre de place, voir avec un contrôle à l’entrée (stade, salles de spectacle, ...)

Dans une idée plus originale, les syndicats comptent parfois par rue ou par endroit. En 2003 à Marseille, la manifestation se comptait en « nombre de Canebière ». Sauf que le nombre de personnes tenant dans une Canebière dépend du compactage de la foule. Idem pour certaines places (Trocadéro ou Bastille). Un site du nom de MapChecking permet de savoir, sur une surface donnée, le nombre maximal de personne physiquement possible (jusqu’à 5 par mètre carré). Cet outil est utilisé pour estimer la fiabilité d’une mesure selon un endroit. Ce site est parfois utilisé par les journaux afin de vérifier la cohérence de certains chiffres.
Comptage LASER par hélicoptère
C’est de loin la méthode la plus efficace. L’hélicoptère permet de survoler la foule de haut et la précision des lasers permet un nombre assez précis. Cependant, le coup élevé de cette méthode ainsi que les problèmes de pollutions font que cette dernière n’est pratiquement pas utilisée.
Comptage avec l'aide de vidéos
Comptage vidéo manuel
Il est possible de filmer une manifestation entièrement sur un ou plusieurs endroits et de compter à la main le nombre de manifestants. C’est très fastidieux mais cela peut être utilisé par la police. Les journaux peuvent également faire cela : ce fut le cas lors du test « blanc » de la méthode d’Occurrence : la manifestation a été entièrement filmée et quatre journaux ont compté à la main afin de comparer avec la méthode vidéo d’Occurrence.
Comptage par le cabinet Occurrence
Cette compagnie, qui a été mandatée par les médias afin d’avoir un nombre impartial, place une caméra dans un des points de passage du cortège et une ligne virtuelle est tracée. L’algorithme (par Eurecam, non dévoilé) compte les passants (ainsi que le sens de passage). Des personnes surveillent tout cela et rajoutent si nécessaire des corrections humaines. Ce système prometteur à cependant montré certaines limites, provoquant d’importantes critiques dans leur communication des chiffre et leur façon de faire (voir plus bas).

Difficultés liées au comptage des manifestants

Définition de manifestant
Tous ne sont pas d’accord à ce sujet. Par exemple, les trottoirs sont comptabilisés pour la Pride mais pas pour tout les mouvements sociaux. Certaines personnes ne restant qu’une demi-heure peuvent avoir le sentiment de manifester. D’autres au contraire, rejoignent le cortège temporairement en le voyant. Ainsi tout le monde ne passe pas au niveau du point de comptage.
Trajectoires et groupes chaotiques
Lors d’action de la police ou de groupes cherchant la violence, la foule peut se disperser en petits groupes, faire demi-tour, se reformer ailleurs voir rester en plusieurs petits groupes se manifestant. La manifestation peut également ne pas être déclaré, rajoutant une difficulté sur le choix d’un point de passage. Les problèmes décrits de ce paragraphe furent particulièrement vérifiés lors du mouvement des Gilets Jaunes.
Limites des logiciels & communication au public (Occurrence)
Le logiciel utilisé par Occurrence éprouve de grandes difficultés lorsque le sol est peu visible (difficultés à distinguer des pixels en mouvement). Là où les résultats pour une foule peu dense sont satisfaisant, et les erreurs respectées (de l’ordre de 15 à 30%), une foule très dense provoquent un grand nombre d’erreurs. Ces difficultés sont accentuées lorsque la foule est immobile au niveau de la ligne ou que des mouvements de recul se font. L’utilisation de deux caméras, afin d’avoir une « imagerie 3D » pour voir les gens comme des différences de niveaux peut régler ce problème mais cela est coûteux. Ces problèmes ainsi que l’utilisation d’un unique point de passage peuvent expliquer qu’Occurrence donne parfois des chiffres même inférieurs à ceux de la Police.
Le cabinet est également critiqué par Bruno Andreotti, Professeur de Physique à l’Université de Paris et chercheur au laboratoire de physique de l’Ecole Normale Supérieur, pour sa façon de transmettre les résultats. Au delà des défauts déjà cités concernant le logiciel, le physicien met en valeur les barres d’incertitudes grandement sous-estimées lors d’une foule dense, ce qui contraste avec la communication d’Occurrence, ces derniers communiquant un chiffre précis à la personne ou à la dizaine de personne près (soit une précision de 0,1%). Des méthodes de détermination des erreurs sont nécessaires et Bruno Andreotti dénonce une méthode qui veut se paraître scientifique mais qui est scientifiquement aberrante dans sa communication au publique.
Risques contre les libertés fondamentales
L’IA et l’utilisation de la reconnaissance faciale, ou même des traceurs de téléphone portable, afin de traquer les mouvements chaotiques et de compter les manifestants sont des outils potentiellement puissants. En revanche, la protection de la vie privée est constitutionnelle et l’utilisation de la reconnaissance pour une manifestation peut avoir des conséquences dangereuses pour les manifestants dans certains régimes plus totalitaires. Ainsi, la CNIL (Commission Nationale de l’informatique et des libertés) écrit dans son avis de Juillet 2022 : «La CNIL recommande ainsi au regard de la nature intrusive des dispositifs de caméras “augmentées”, que les dispositifs les moins impactant pour les droits et libertés des personnes soient privilégiés lorsque cela est possible ».
Bibliographie
200 000 personnes au Trocadéro pour Fillon ? Vérifiez par vous même pourquoi c'est impossible Libération consulté le 18/06/2024.
Un comptage des manifestants toujours aussi amateur Les Echos consulté le 18/06/2024.
Le décompte des manifestants : une science fragile Le Monde consulté le 18/06/2024.
Décompte des manifestants : les failles du cabinet Occurence (Rapport de Bruno Andreotti) Médiapart consulté le 18/06/2024.
Pourquoi comptent ils les manifestants et comment ? (Mediapart, par Bruno Andreotti Camille Noûs) consulté le 18/06/2024.
Rapport de la CNIL de Juillet 2022 CAMÉRAS DITES « INTELLIGENTES » OU « AUGMENTÉES » DANS LES ESPACES PUBLICS
Comptage des manifestants : comment expliquer les différentes estimations ? La Voix du Nord, consulté le 18/06/2024.
Sur la Canebière 15 000 ou 200 000? Libération, consulté le 18/06/2024.
"On a suivi le cabinet Occurrence qui compte les manifestants contre la réforme des retraites" HuffPost, visionnée le 18/06/2024.